Grèce : l’épreuve de vérité

Inouï ! Depuis que Georges Papandreou a décidé de convoquer un référendum pour donner aux Grecs la possibilité de s’exprimer sur le pillage de leur pays organisé par quelques banques transnationales, le bal des faux culs du commentaire prétendument politique prend des dimensions carnavalesques. Du « Il joue perso » à « Le pays va reculer de vingt ans », toutes les violons jouent les même sanglots longs : on ne peut pas faire confiance aux électeurs (notez, svp, que je parle d’électeurs, de citoyens, pas de peuple !), ils ne sauraient comprendre toutes les astuces d’un projet qui va les maintenir dans la dépendance et la pauvreté pour les vingt ou trente prochaines années alors qu’au loin les tiroirs-caisses cliquèteront, s’engorgeront puis déborderont.

Tout à coup les plus doctes parmi les plus doctes observateurs, commentateurs, politiciens mondialisés sont pris à la gorge : « Ciel !, a-t-on idée de demander au canard que l’on va plumer s’il est d’accord de se faire plumer à vif ou après avoir été ébouillanté ! » Que cette alternative vous échoie, de quel côté pencheriez-vous ? Poser la question, c’est y répondre : ni de l’un, ni de l’autre, mieux vaut la fuite ! Au vu de l’homérique accord imposé par Merkel/Sarkozy, c’est ce que s’est probablement dit le Papandreou de service, troisième du nom, qui ne peut pas ne pas voir que son avenir politique et sa dynastie ne survivraient pas au défi. Alors mieux vaut, comme n’importe quel garagiste au bout du rouleau, déposer son bilan et faire faillite. Et si les responsabilités retombent sur d’autres épaules, tant mieux.

Depuis trois ans que les financiers nous narguent du haut de leurs milliards empochés comme de vulgaires fétus baladés par de légères brises, il est temps que quelqu’un dise : « Pouce ! Je ne marche plus. » Que cela soit un Papandreou, citoyen américain et premier ministre grec, qui le fasse est assez cocasse. Il faut croire que le bal des rapaces l’a vraiment poussé dans ses derniers retranchements, car ne l’oublions, de socialiste l’homme n’a que l’étiquette du parti, le reste n’est que du vent, ou, plus précisément, des paroles voletant d’une île à l’autre.

Depuis que la Grèce existe, elle est endettée écrivait Joëlle Kuntz dans Le Temps (29/10). Cela fait presque deux siècles. A cela on peut ajouter que depuis Périclès, elle n’a plus été démocratique. Cela fait la bagatelle de 25 siècles. Car on ne peut parler de démocratie quand, depuis la fin de la guerre civile (1949), le pays est gouverné alternativement par une droite et une gauche monopolisées par des familles (Caramanlis, Papandreou…) et des clientèles qui vivent sur les acquis et les prébendes. Ce pays membre de l’UE et de l’euro est si en phase avec la modernité qu’il n’a ni cadastre ni état-civil. Mais un budget militaire colossal pour lutter contre le Turc. Poussé au bout de cette logique, le troisième Papandreou jette le gant et convoque les électeurs. C’est un début, un bon début. Demain peut-être, sur l’agora, la démocratie refleurira…

Réunis sous la douce appellation de « Les Marchés », banquiers, traders et agences de notation hurlent au crime de lèse-finance. Mais pour qui se prennent-ils ? Lundi déjà, à peine la décision de Papandreou tombée, certains d’entre eux reconnaissaient avoir été trop loin. « Le plan Merkel/Sarkozy, disaient-ils, ne visait pas à sauver la Grèce, mais les banques trop engagées dans des prêts irréfléchis, voire hasardeux. » Pensaient-ils pouvoir gober après la Grèce, le Portugal, l’Espagne, et pourquoi pas l’Italie ? Ces financiers outrancièrement stipendiés feraient mieux de relire La Fontaine et sa fable de la grenouille et du bœuf.

Il est possible que le système implose, mais au point où nous en sommes, avec le délabrement social grec et portugais, avec les 23 % de chômeurs espagnols, qui risque le plus ? Les travailleurs ? Allons donc, Messieurs, soyez sérieux !

 

 

A propos gerarddelaloye

Journaliste et historien, vit entre la Suisse romande et la Transylvanie. Dernier ouvrage publié: "Les douanes de l'âme et autres chroniques roumaines", Ed. L'Aire (Vevey CH), 2016, 130 p.
Cet article a été publié dans Politique. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Un commentaire pour Grèce : l’épreuve de vérité

  1. Bruno11 dit :

    ciao Gérard, je vient de signaler ton post sur Facebook ( http://www.facebook.com/bruno.strozzi?ref=tn_tinyman ), avec un petit commentaire. Je te propose d’ouvrir une discussion sur le thème
    « Grèce, Portugal, Espagne, Italie etc : quelle alternative politique et économique si l’euro s’effondre ? « .

    Un abbraccio!
    Bruno

Répondre à Bruno11 Annuler la réponse.